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Modèle de Ricardo

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- Effets économiques des NTIC
-
Modélisation de l'économie des NTIC
- Échanges entre "grand" et "petit" pays

Nota Bene : une première version de cette fiche contenait une erreur de raisonnement. J'ai pu la détecter grâce à une remarque de Jérôme Capirossi (http://www.jerome.capirossi.org/index.htm ).

Le modèle de Ricardo[1] permet de représenter les échanges internationaux et la spécialisation entre des pays disposant de technologies différentes. Sous sa forme la plus simple il comporte deux pays et deux secteurs de production. Pour construire notre modèle, nous considérerons d’abord une économie fermée, puis une économie ouverte avec prix exogène, et nous en déduirons les résultats d’équilibre[2].

Économie fermée

Considérons un pays isolé dont la population, supposée active dans sa totalité, est d’effectif L, et dont l’économie produit les deux biens X et Y selon des fonctions de production linéaires :

x = aLx

y = bLy

avec

Lx + Ly = L.

L’ensemble des productions possibles est représenté dans le plan (x, y) par la surface d’un triangle rectangle :

Supposons que dans ce pays la fonction d’utilité du consommateur soit une Cobb-Douglas ; en notant X = x/L et Y = y/L les consommations par tête, on a :

U(X, Y) = cXαYβ

Nota Bene : les fonctions d’utilité étant équivalentes à une transformation monotone croissante près, nous supposerons que c = 1 et α + β = 1.

Pour atteindre l’optimum dans cette économie il faut maximiser l’utilité sous la contrainte de la ressource disponible L. Cela donne :

Lx = αL, Ly = βL

La consommation par tête est alors :

X = aα, Y = bβ,

et l’utilité est donc :

U = (aα)α(bβ)β

Économie ouverte

Supposons le pays plongé dans une économie mondiale où se fixent les prix px et py des biens X et Y. Ces prix sont alors pour ce pays des exogènes et la maximisation de l’utilité suppose un choix en matière de production et de commerce extérieur :
- si py/px = a/b, les échanges extérieurs ne modifient ni la structure de la consommation, ni le niveau de l’utilité par rapport à ce qu’ils étaient en économie fermée.
- si par exemple py/px> a/b, le pays se spécialisera dans la production du bien Y car cela maximise son revenu. La production par tête est alors égale à b unités de ce bien ; l’échange par tête est tel que la valeur des exportations soit égale à celle des importations et que l’utilité soit maximale :

Il s'agit alors de maximiser XαYβ sous la contrainte :

pxEx+ pyEy  = 0,

en notant Ei la quantité du produit i échangée par tête, les importations ayant le signe plus et les exportations le signe moins.

On trouve :

Ex /(b + Ey) = αpy/βpx

d’où :

Ey = - αb et Ex = αb(py/px)

La consommation par tête est alors :

X = αb(py/px), Y = βb,

et l’utilité est :

U = b(py/px)αααββ

Équilibre général en économie ouverte

Supposons que le monde comporte deux pays nommés 1 et 2. Nous repérerons les données propres à chaque pays (coefficients techniques des fonctions de production, taille, consommation par tête etc.) par les indices 1 ou 2. Nous supposons que la fonction d’utilité est la même pour les deux pays.

L’économie constituée par ces deux pays est à l’équilibre si le prix relatif py/px  permet d’égaliser les quantités échangées de part et d’autre : ce prix relatif, qui était exogène lorsque nous considérions l’équilibre d’un pays isolé, est endogène dans l’équilibre général d’une économie à deux pays.

Pour déterminer le prix relatif d’équilibre, il suffit d’écrire que les quantités échangées du bien x sont égales et de signe contraire ; l’équilibre des échanges pour le bien y en résulte.

Supposons que 1 soit spécialisé dans le bien y et 2 spécialisé dans le bien x : ceci implique que l’hypoténuse du triangle rectangle qui représente les productions possibles soit plus pentue pour 1 que pour 2, c’est-à-dire que :

a2/b2 > py/px > a1/b1

Les quantités échangées sont égales aux quantités par tête multipliées par l’effectif de la population. Donc :

L1Ex1 = L1(py/px)αb1

L2Ex2 = - L2βa2

La condition de l’équilibre est :

L1Ex1 = - L2Ex2

d’où :

py/px = (β/α)(L2a2/L1b1)

Supposons que la condition suivante soit respectée :

(A)     a1/b1 < (β/α)(L2a2/L1b1) < a2/b2

Dans ce cas chaque pays est spécialisé dans la production d'un produit. Les productions des deux pays sont :

x1 = 0, y1 = b1L1

x2 = a2L2, y2 = 0

Les consommations par tête sont :

X1 = β(L2 /L1)a2, Y1 = βb1

X2 = αa2, Y2 = α(L1 /L2)b1

Les utilités sont :

U1 = βa2αb1β(L2 /L1)α

U2 = αa2αb1β(L1 /L2)β

Comparaison de l’utilité des échanges

Comme (L2 /L1)a2 > a1 et (L1 /L2)b1 > b2 les utilités des deux pays sont plus élevées que s’ils étaient restés en autarcie.

Quel est celui des deux pays qui gagne le plus à l’échange ? Comparons les utilités en cas d’ouverture à ce qu’elles auraient été en cas d’autarcie :

U1/U = (βL2 a2 /αL1a1)α

U2/U = (αL1b1 /βL2b2)β

En tenant compte des inégalités (A), on vérifie que l'échange accroît l'utilité dans chaque pays.

Comparons les gains d'utilité :

(U1/U)/(U2/U) = L2a2αb2β /L1a1αb1β

Le pays qui gagne proportionnellement le plus à l’échange est celui pour lequel la quantité Laαbβ est la plus petite. Donc si, comme nous l’avons supposé, la fonction d’utilité des deux pays est identique (mêmes α et β), le pays qui gagne le plus à l’échange est celui qui a les technologies les moins efficaces (plus petits a et b) et la taille la plus petite (plus petit L).

Effet du progrès technique

Supposons que la technologie a2 s’améliore :

a’2 = a2 + Δa2 , avec Δa2 > 0.

Il en résulte un accroissement proportionnel de U1 et U2 :

ΔU1/U1 = ΔU2/U2 = αΔa2/a2

Donc un gain de l’un ou l’autre des deux pays dans la technologie sur laquelle il s’est spécialisée entraîne pour chaque pays un gain d’utilité égal.

Équilibre entre « grand » et « petit » pays

Si b1L1 > b2L2 et a1L1 > a2L2, c'est-à-dire si les quantités que 1 peut produire sont supérieures tant en ce qui concerne X qu’en ce qui concerne Y, nous nommerons 1 "le grand pays", et 2 "le petit pays". Nous considérons le cas où seul le petit pays est spécialisé (dans le produit Y si b2/a2 > b1/a1), le grand pays produisant les deux biens.

L’échange se fait alors au prix relatif interne du grand pays :

py/px = a1/b1

L’utilité du grand pays ne s’accroît pas par l’échange : la structure de sa consommation est en effet la même que s’il était isolé. Par contre la structure de sa production est modifiée par l'échange, puisqu’il peut exporter et importer pour améliorer le sort du petit pays[3].

Les consommations par tête du petit pays sont :

X2 = (a1/b1)αb2

Y2 = b2β

et son utilité est :

 U2 = ααββ b2(a1/b1)α = U1(b2/b1)

Ainsi l’utilité du petit pays est :
- fonction croissante de l’efficacité a1 du grand pays dans la production du bien dans lequel le petit pays ne s’est pas spécialisé ;
- fonction croissante de l’efficacité b2 du petit pays dans la production du bien dans lequel il s’est spécialisé ;
-
fonction décroissante de l’efficacité b1 du grand pays dans la production du bien dans lequel le petit pays s’est spécialisé.

Les résultats ci-dessus deviennent évidents si l’on considère le graphique ci-dessous. La zone de production du petit pays est représentée par le triangle rectangle, et les échanges possibles par une demi-droite qui part du point Y = b et qui parallèle à l’hypoténuse du triangle représentant la zone de production du grand pays.

Si l’efficacité du petit pays dans la production de Y augmente, cette demi-droite glisse vers le haut, et la courbe d’indifférence qu'elle touche correspond à une utilité plus élevée.

Si l’efficacité du grand pays dans la production du bien X (non produit par le petit pays) augmente, la demi-droite pivote vers le haut et l’utilité du petit pays est accrue.

Si l’efficacité du grand pays dans la production du bien Y (produit par le petit pays) augmente, la demi-droite pivote vers le bas et l’utilité du petit pays est diminuée.
 

Les consommations par tête du grand pays sont les mêmes qu’en économie fermée :

X1 = a1α et Y1 = b1β,

Les consommations par tête du petit pays sont égales aux consommations par tête du grand pays, multipliées par le coefficient b2/b1. Ce rapport est indépendant de la valeur prise par a1.

Les productions du grand pays sont :

x1 = α(a1/b1)(b1L1+ b2L2),

y1 = βb1L1 - αb2L2

Notons que les volumes de la production du bien Y par les pays 1 et 2 sont indépendants de la valeur de a1. Par contre, le volume du bien X produit par le pays 1 est fonction linéaire de a1.

Calcul en valeur

Normons à 1 le prix du bien Y :

py = 1, px = b1/a1.

Le volume du bien X produit par le pays 1 croît comme a1 et le prix est inversement proportionnel à a1 : la valeur de la production de X sera donc la même, quel que soit a1.

La valeur des importations du bien X par le pays 2 est

Val(Ex) = αb2L2

Elle est constante quelle que soit la valeur de a1.

Les valeurs des productions sont :

Val(x2) = 0

Val(y2) = b2L2

La valeur de la production du pays 2 est donc b2L2.

Val(x1) = α(b1L1+ b2L2)

Val(y1) = βb1L1 - ab2L2

La valeur de la production du pays 1 est donc b1L1.

Les valeurs des productions des deux pays sont indépendantes de a1. Elles sont égales aux valeurs des consommations, puisque les échanges sont supposés équilibrés.

Au total, une hausse de a1 a pour effet :
- une hausse proportionnelle des volumes du bien X produits, consommés, échangés,
- une diminution proportionnelle du prix du bien X,
-
 aucun changement dans les volumes du bien Y produits, consommés, échangés.

On trouvera une évolution différente si l’on utilise un autre indice de prix. Si l’on prenait pour indice une moyenne pondérée des prix de Y et de X, l’introduction du prix de X fera que l’indice de prix baisse, donc que les volumes qui étaient constants dans le calcul précédent augmentent. Les conventions retenues pour le calcul des indices suscitent donc des artefacts qui peuvent égarer le raisonnement. Pour préciser ce point, nous avons examiné plus en détail les questions d'indices dans la fiche suivante :

Les indices de prix et de volume


[1] David Ricardo, The Principles of Political Economy and Taxation, 1817.

[2] Ce modèle peut sembler rudimentaire par rapport à ceux qui comportent plusieurs pays et plusieurs secteurs, ou encore à ceux qui font intervenir le capital comme facteur de production, et utilisent comme fonction de production sectorielle une CES (« Constant Elasticity of Substitution ») ou une Cobb-Douglas. Si le modèle de Ricardo ignore le facteur de production « capital », c’est qu’il considère un intervalle de temps durant lequel l’investissement se résorbe en consommation intermédiaire. L’hypothèse du rendement constant est convenable, s’agissant de fonctions de production sectorielles. Le temps de travail employé à produire le capital est alors inclus dans la fonction de production du bien qui l’utilise. Enfin, la limitation à deux pays et deux secteurs permet de démontrer des résultats que l’intuition maîtrise, et qui peuvent être utilisés sans difficulté pour traiter le cas d’un nombre quelconque de pays et de secteurs.

[3] On supposera ici, comme il est de règle en économie, que lorsqu’un agent se trouve dans une situation où il a le choix entre plusieurs options indifférentes pour lui, mais dont l’une est préférable pour les autres agents, il choisit cette dernière.