Imad Lahoud est un drôle de bonhomme mais son livre est
instructif.
Un drôle de bonhomme : il ment quand ça l’arrange, manipule
autrui et décrit tout cela sans la moindre gêne. Cela
compose une personnalité quelque peu répugnante.
Après
avoir tant menti et manipulé, il s’étonne encore qu’il existe des gens qui ne
l’aiment pas ! Ainsi, dit-il, Denis Robert est devenu « l’un de ses ennemis » :
mais quand on voit comment il s’y est pris pour rouler Robert dans la farine, on
comprend pourquoi celui-ci ne l’aime guère.
Lahoud traite d'ailleurs Robert de haut, à tort évidemment. Ainsi
il dit (p. 67) que Robert « raconte des bêtises dans ses bouquins (…) car aucun
particulier ne détient de comptes chez Clearstream. » Puis il explique que c’est
la banque B qui ouvre auprès de Clearstream, pour les opérations que lui fait
faire M. Martin, un compte « B/Martin » auquel Martin n’aura pas accès.
Mais cela ne contredit en rien Robert ! Car il suffit que la
banque B soit, moyennant rémunération, complaisante envers son client… et la
proportion des saints, insensibles à la tentation, n’est sans doute pas plus élevée parmi les financiers que
dans les autres professions.
* *
Les portraits de Jean-Louis Gergorin et de Philippe Rondot sont
intéressants. Gergorin, dit Lahoud, est un authentique génie mais il est habité
par des obsessions que les consultants dont il s’entoure savent flatter et
exploiter. Rondot est par contre un homme léger qui usurpe sa réputation de « maître
espion ».
Ce n’est pas moi, dit Lahoud, qui ai truqué les listings de
Clearstream pour y introduire certains noms – dont celui de Nicolas Sarkozy :
les coupables, ce sont les consultants de Gergorin.
De Villepin aurait trouvé, dit-il, l’occasion de mettre un rival
à terre trop belle pour pouvoir y renoncer. Et Sarkozy, par l’intermédiaire d’un
de ses conseillers, aurait afin de mieux faire s’enferrer de Villepin relancé l’activisme de Gergorin alors que celui-ci
avait fini par douter de l’authenticité des listings. A Machiavel, Machiavel et demi...
Lahoud donne un compte rendu précis, et qui sonne juste, de ses
entretiens avec Sarkozy – entretiens dont celui-ci nie qu’ils aient
jamais eu lieu.
* *
Lire ce livre, c’est faire un voyage mental un peu écoeurant
parmi les amateurs d’intrigues, de manipulations et de coups tordus. C’est voir
aussi comment se nouent les rapports entre ceux qui commandent et ceux qui
exécutent.
L’affaire est compliquée, Lahoud l’expose avec une louable
clarté. Dit-il la vérité, toute la vérité, rien que la vérité ? Assurément non : on ne peut
pas croire sur parole celui qui se décrit lui-même comme un menteur et qui
semble trouver banal et naturel de mentir.
Accessoirement, le passage que Lahoud consacre à son activité
professionnelle chez EADS intéressera ceux qui désirent comprendre comment
fonctionne la sécurité des systèmes informatiques – domaine dans lequel Lahoud s’est
taillé une réputation justifiée de professionnalisme. |