Lors d’un voyage en TGV j’étais assis en
face de deux très belles jeunes filles, également agréables à voir.
Chacune a eu
une conversation sur son téléphone mobile. L’une a parlé dans une langue
française cool, l’autre dans une langue que je dirai fraîche. La
différence ne portait que sur quelques mots et quelques expressions, mais elle a
coloré leur propos et même leur personne.
Voici un dictionnaire (encore incomplet)
entre ces deux langues :
Langue cool |
Langue fraîche |
Ouais |
Oui |
OK |
D’accord |
Relax |
Détendu |
Quel con ! |
Quel imbécile ! |
C’est super, cool, sympa etc. |
C’est plaisant, agréable etc. |
C’est vachement bon |
C’est délicieux, exquis etc.
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C’est hyper beau |
C’est très beau |
Ce bébé est trop mignon |
Ce bébé est très mignon |
J’rigole |
Je plaisante |
C’est loureu |
C’est lourd |
Entre la langue fraîche et la langue cool
l’écart est minime. Il a pourtant creusé un gouffre dans mon opinion :
celle qui parlait la langue fraîche m’a paru décidément pleine de charme,
l’autre a perdu d’un coup tout attrait.
Quelqu’un qui n’a pas les mêmes goûts que
moi aurait peut-être trouvé la première « coincée » et la deuxième « sympa » : à
chacun son opinion ! J’ai la mienne.
* *
J’avoue que si je contrôle à peu près mon
écriture il m’arrive de parler cool : je dis parfois « ouais » ou « OK ». Puis – mais c’est une autre dimension du langage – j’ai conservé de ma
formation militaire un vocabulaire extrêmement grossier, qui affleure quand je perds aux
cartes ou si mon ordinateur « se plante », expression cool pour « tomber en
panne ».
Mais qu’apporte « ouais » à la langue orale
alors que « oui » est si simplement naturel ? Que gagne donc notre expression à
s’avachir ?
* *
Dans les années 1950 il était de règle
dans le « bon milieu » de s’appliquer à parler bien. Nous autres adolescents
affirmions donc notre indépendance en parlant une langue bizarre. Certains de
nos mots vivent encore, comme « vachement » ; d’autres comme « formid » ou « astap »
(« à se taper le cul par terre ») ont été éphémères. Le latinisme et
l’hellénisme paradoxaux de « super » et « hyper », ainsi que
le verlan, sont venus plus tard.
Dans le « bon milieu » d’aujourd’hui, celui
des cadres, des intellectuels, des dirigeants, le plus grand nombre parle cool
par laisser-aller, par imitation, pour « faire simple » et paraître « relax »,
par crainte enfin de ne pas s’être assez « démocratisé ». Derrière cette volonté
de détente et de simplicité se devinent cependant trop souvent la tension, la complication de
personnes qui, inquiètes du jugement d’autrui, travaillent leur image (voir
Le triangle médiatique) .
C’est donc le parler frais qui, aujourd’hui,
traduit un esprit équilibré et détendu : « ouais » étant devenu compliqué, la
simplicité est revenue du côté du « oui ».
* *
On prend des leçons à tout âge et il faut
choisir les influences auxquelles on obéira. Prenant pour modèle la fraîcheur de
cette jeune fille, je changerai mes habitudes en purgeant mon langage des
pollutions et grossièretés qui l’altèrent.
Il me semble que je témoignerai mieux ainsi
du respect que j’éprouve envers ceux qui m’entendent, et mon propos leur sera
peut-être plus agréable.
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