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Comme pratiquement tout le monde en France,
je me réjouis de l'élection de Barack Obama. Si John McCain avait été élu après
les dégâts causés par huit ans d'administration républicaine, et en pleine crise
économique, cela aurait été un comble !
Que McCain ait eu 46,3 % des votes (contre
52,4 % pour Obama) est même, dans de telles conditions, presque aussi effarant que
le fait que les Américains aient réélu un tortionnaire
en 2004 - car c'est bien ainsi qu'il faut qualifier le président qui a autorisé,
ordonné la torture des prisonniers.
* *
"L'Amérique est vraiment un grand pays",
m'a écrit un ami dont le coeur simple s'est ému qu'elle ait élu un métis.
Oui, elle est grande, tant par son
territoire que par sa population, aussi par la maîtrise en ingénierie qu'elle
déploie dans ses entreprises. Mais la qualité d'un pays ne se mesure pas selon
sa richesse, ni selon la quantité de ses ressources naturelles.
Avant de s'enthousiasmer pour Obama,
attendons ses actes. Fermera-t-il la prison de Guantanamo, libérera-t-il ceux
qui y subissent une détention illicite, fera-t-il comparaître les autres devant
un tribunal équitable ? Ordonnera-t-il à la CIA d'abandonner la pratique de la torture, ordonnera-t-il à la NSA et au FBI de
respecter, dans leurs procédures - notamment pour les écoutes téléphoniques
ou l'espionnage sur l'Internet - les règles qui protègent l'individu contre
l'arbitraire ?
Les prédécesseurs d'Obama -
tous, y compris Kennedy et Clinton - ont dit dans leur discours d'investiture
qu'ils feraient en sorte que les Etats-Unis restent la première nation du monde.
Les pauvres Américains sont donc comme ces trop bons élèves, habitués à être
toujours premiers et qui ne supporteraient pas de se trouver dans le
milieu du classement.
"Nous sommes, nous autres Français, bien
plus racistes que ne le sont les Américains", ajoute mon ami Simplet.
ça se discute. Certes la façon dont nous traitons nos "banlieues" ne nous fait
pas honneur, mais les quartiers pauvres des villes américaines sont un cauchemar.
Plutôt que d'avancer des affirmations aussi tranchées mon ami ferait bien
d'examiner la question de près.
Sait-il, par exemple, qu'il y a
proportionnellement dix fois plus de personnes en prison aux Etats-Unis qu'en
France ? Nous avons 60 000 prisonniers, soit un pour mille ; ils en ont entre
deux et trois millions, soit un pour cent. Et d'après ce que l'on en sait, les
prisons ne sont pas plus humaines chez eux que chez
nous.
* *
"J'admire les Etats-Unis", dit encore
Simplet. Mais aucun pays, aucune personne n'ont besoin d'être "admirés".
L'admiration érige l'autre en idole. Être respecté, être estimé, être compris, à
la bonne heure ; être admiré, pouah ! cela a quelque chose de répugnant.
Pourtant certaines personnes font tout leur possible pour
être admirées. C'est le signe
évident d'une faiblesse intime, d'un manque de tenue intérieure, d'une mollesse de leur
colonne vertébrale.
Vous pensez que ceux qui n'admirent pas
inconditionnellement l'American
Way of Life seraient des ennemis de l'Amérique ? Il faudrait la prendre
pour modèle, l'avoir pour idéal, sans quoi on serait antiaméricain ?
De grâce ! Laissez-nous faire le tri. On
peut aimer bien des choses que l'Amérique possède et en refuser d'autres. Ainsi
j'aime son sens pratique, sa pédagogie et par dessus tout l'informatique qu'elle
a si intelligemment développée. Je n'aime pas sa cuisine, sa
brutalité, son culte des armes. À tout prendre je préfère le mode de vie
français, ne vous déplaise.
* *
Je respecte l'Amérique, mais le respect ne
peut vivre, ne peut durer que s'il est réciproque. Respecter quelqu'un qui ne
vous respecte pas, c'est se comporter en esclave.
Je n'ai pas plus d'estime pour les Français qui
crachent sur la France que pour les Américains qui, comme
Michael Moore, crachent sur les Etats-Unis :
chacun doit respecter et servir son propre pays, faire son possible pour que
l'on y vive mieux. Chacun doit, aussi, admettre que les autres respectent et
servent leur propre pays.
Je n'ai pas oublié les insultes que nous ont
adressées les Américains en 2003 après que la France ait refusé de s'associer à
la guerre contre l'Irak, l'affaire des Freedom Fries etc. À les entendre nous étions des lâches, des traîtres,
que sais-je. Ils nous en voulaient de ne pas leur obéir docilement, d'exister en somme.
L'élection de Barack Obama prouve que le racisme a reculé aux Etats-Unis. Il faudrait que le racisme
anti-français y reculât aussi - et qu'il reculât chez les Français eux-mêmes,
car il est souvent chez nous l'autre face de l'"admiration" servile pour les Etats-Unis.
* *
Le racisme anti-français a deux racines.
La plus évidente, c'est
la honte de 1940, de l'occupation nazie et de la collaboration. Mais si la Manche avait été
aussi facile à traverser que la Picardie, l'Angleterre aurait été envahie elle aussi et il se serait trouvé des
collaborateurs parmi les Britanniques ; si l'Allemagne avait été
aussi proche des Etats-Unis qu'elle ne l'est de la France, l'armée américaine
aurait été vaincue tout comme la nôtre : en mai 1940 la Wehrmacht était l'armée la plus
puissante du monde.
Mais ce n'était ni la plus intelligente, ni la
plus civilisée : elle s'était mise au service de la bande d'assassins qui
s'était emparée du pouvoir en Allemagne, elle avait prêté serment à Hitler.
La force militaire ne prouve en rien la
qualité d'une nation. Si votre voisin s'entraîne au karaté tandis que vous vous
consacrez civilement à votre travail et à votre famille, s'il se transforme en
robot combattant, il pourra un jour vous casser la figure : cela ne prouvera ni
son intelligence ni ses qualités humaines.
La deuxième racine du racisme
anti-français, la plus vivace, c'est la haine envers notre Révolution et notre République. Nous
avons hérité de notre histoire une conception de l'État et du service public,
nous avons socialisé les grands systèmes, notamment l'éducation et la santé.
Certains jugent "arrogant" l'exemple ainsi donné au monde, et ne nous le
pardonnent pas.
Faudrait-il
donc, pour leur complaire, renoncer à exister tels
que nous sommes et, calomniant la République, cracher au visage de notre
mère nourricière ?
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