Un message que je condense ci-dessous m'a posé une question
importante et je crois utile - une fois n'est pas coutume - de publier ma
réponse, suivie d'un commentaire.
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Message :
Vous avez commenté
Des sujets interdits de Dominique
Lorentz. Pourquoi y croyez-vous ? Qui vous dit que ce n'est pas qu'un tissu
cohérent d'erreurs ?
Devant ce type de livre, je me pose toujours
la même question : est-ce la vérité ou un amas de mensonges paranoïdes ? J'ai
l'impression de jouer mon opinion à pile ou face !
Comment vous-y retrouvez-vous ?
Impression personnelle, expérience, recoupement avec d'autres lectures,
connaissances "introduites" auprès de milieux "autorisés" ?
Réponse :
Quand on lit un livre sur un sujet dont on n'a pas soi-même
une expérience de première main, il faut s'en remettre à son flair : on n'aura
jamais la preuve absolue - ni factuelle, ni déductive - de la véracité
comme de la pertinence du propos.
Pour autant le lecteur expérimenté n'est pas désarmé : il est
difficile de forger un mensonge cohérent de bout en bout et les ficelles
qu'utilise un menteur sont visibles.
Les analyses de Mme Lorentz "sonnent vrai" à mon oreille et franchissent
victorieusement le seuil de vraisemblance. Si elle a tort, il faut lui opposer
une analyse d'une rigueur comparable ou supérieure. Je n'ai jusqu'à présent rien
lu de tel et les critiques que j'ai entendues m'ont paru impertinentes. S'il
faut choisir entre croire Edwy Plenel ou croire Dominique Lorentz, le choix est
d'ailleurs vite fait !
Pour le moment, et
jusqu'à preuve du contraire, je ne peux
que donner raison à Mme Lorentz comme je donne raison, sur d'autres sujets et
selon la même méthode, à Denis Robert
et à François-Xavier Verschave.
Les sciences, dit Karl Popper, sont bâties sur des hypothèses provisoires et le
caractère scientifique réside dans le fait que les hypothèses (1) n'aient pas
été infirmées par l'expérience dans le passé, (2)
puissent être infirmées par l'expérience
dans le futur. Ne réclamons pas à une analyse géopolitique plus de certitude que
ne peut en comporter la théorie scientifique !
Commentaire :
Certains croient manifester la
profondeur de leur pensée en déniant toute portée à la notion de vérité. « Je ne
sais pas ce que veut dire "vérité", je ne sais pas ce que veut dire "réalité" »,
disent-ils. Le mot « vérité » a cependant, dans la démarche
scientifique qui a elle aussi modelé notre culture, un sens qui nous sert de
référence fût-ce confusément.
M'inspirant des travaux de
Popper, je distingue trois types de vérité : la vérité du monde, la vérité des
faits, la vérité de la théorie.
1) La théorie permet, sauf si
l'on commet une erreur, de déduire par un raisonnement certain les conséquences
d'une hypothèse (les philosophes nomment cela « vérité apodictique »).
Cependant la théorie ne dit rien sur la
vérité de l'hypothèse, qui reste soumise au tribunal de
l’expérience (toute théorie scientifique doit être « falsifiable »).
2) Le rapport d’un fait d’observation (durées
et dates, distances et lieux, résultats de l'observation et de l'expérimentation) fournit, sauf tromperie, une
vérité elle aussi certaine ; mais pour interpréter un tel fait il faut le
situer dans un cadre
théorique.
3) La vérité du monde, c'est d'être une réalité distincte de la personne qui la
connaît. Cette vérité constitue un horizon qui recule à
mesure que la connaissance avance d'hypothèse en hypothèse, d'expérience en
expérience.
Si la vérité factuelle est
absolue (dans le cadre de la science, personne ne peut dire que la Terre n’est pas approximativement
sphérique, ni que la bataille de Waterloo n’a pas eu lieu le 18 juin 1815), elle
ne comporte pas l’interprétation que seule la théorie propose ; et
celle-ci, bâtie sur une induction qui généralise une expérience limitée et donc
soumise à un contrôle expérimental toujours inachevé, est
essentiellement hypothétique.
Par ailleurs, dans la richesse
du monde, seuls se manifestent à notre attention les faits que nos concepts
désignent : les ondes électromagnétiques existent depuis toujours mais les êtres
humains ne les observent et les utilisent que depuis un peu plus d’un siècle.
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