Notre pensée n’est qu’une
représentation de la nature, de même qu’une photographie n’est qu’une
représentation de l’objet photographié. Ceux qui exigent que la pensée soit
« objective », en prenant cette expression au sens étymologique qui signifie
« reproduction exacte (et complète) de l’objet considéré », lui imposent une
exigence intenable : c’est comme si l’on demandait à une photographie d’être la
reproduction exacte, et complète, de la chose ou de la personne qui ont été
photographiées.
La pensée est-elle
donc
impossible ? Ceux qui voudraient qu’elle fût l’« exacte reproduction du réel »
sont tentés de le dire. Mais si le photographe est adroit la photographie
portera une image authentique, et même révélatrice, de l’objet qu’elle
représente.
La qualité d’une photographie s’évalue selon des critères qui
lui sont intrinsèques (définition, exposition, contraste etc.), mais aussi en
fonction de ce que l’on veut en faire : la photographie d’une cathédrale
qui convient au poète n’est pas la même que celle qui convient à l’architecte.
La démarche expérimentale – que
l’on ferait mieux d’appeler « démarche hypothético-expérimentale », car avant
d’expérimenter il faut avoir posé des hypothèses – permet à chacun de construire
une pensée pertinente, une pensée adéquate à son action.
Monde de
la nature
Monde de
la pensée
Monde de
l'action
Complication de la pensée
* *
Pour comprendre une situation
particulière, faire le choix des concepts pertinents, élaborer une théorie
exacte, la pensée pure ne suffit pas : il faut aussi l’expérimentation,
l’écoute, qu’il s’agisse de rapports avec la nature ou des êtres humains.
Durant la phase d'écoute, la
grille conceptuelle de l'auditeur est mise entre parenthèses (sauf la grille
propre à l'écoute elle-même) ; il accepte de faire le voyage mental
qu’impliquent des constructions intellectuelles qui ne lui sont pas familières.
Il y faut de la modestie :
celui qui entre dans un domaine nouveau est un « bizut » qui se fait bousculer
par les experts qui l’occupent déjà, ou par les faits qui lui résistent.
Le pire ennemi, c'est la
« tache aveugle » de l'intellect,
la tentation d’éliminer des choses que l'on entend ou que l’on voit mais qui
sont contrariantes. Les personnes au tempérament impérieux sont incapables
d'écouter ; il leur est difficile d’accéder à la pertinence même (et surtout) si
elles sont intellectuellement brillantes. Elles sont enfermées dans le piège de
l’idéologie.
Piège
de l'idéologie
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