Plusieurs amis m’ont dit leur
intention de voter « non » au référendum sur la constitution européenne. Ce sont
des personnes que j’estime, mais il nous arrive de ne pas être du même avis :
c’est ici le cas.
J’ai lu cette constitution.
Longue, détaillée, verbeuse, c’est un texte mal fichu où s'accumulent des
compromis. Mais là n’est pas la
question. La valeur d’une constitution dépend d’ailleurs moins de son libellé
que de la façon dont on l’applique, et nous ignorons comment celle-ci sera
appliquée.
Ce n’est pas en fait de ce
texte qu’il s’agit, mais de l’Europe elle-même. Si la majorité des Français vote
« non », pensera-t-on en effet qu’ils ont voté ainsi parce qu’ils avaient en
tête une autre constitution, plus intelligente ? Nenni ; on dira, et on aura
raison, que les Français tournent le dos à l’Europe parce qu’ils veulent
préserver… mais préserver quoi, au juste ?
Préserver une classe politique
qui, de façon à la fois puérile et cynique, a réduit la politique à l’art de
gagner les élections ? Une aristocratie médiatique qui cultive sa propre
célébration ? Une élite dirigeante qui se recrute par cooptation ? Des
institutions qui convenaient au système
technique de la première moitié du XXe siècle, mais ne
conviennent plus aujourd'hui ? Des corporations
avides de privilèges ?
Bien sûr, et c’est de bonne
guerre, toutes ces choses sont recouvertes par de nobles appellations :
démocratie, culture, compétence, service public, syndicalisme etc. Ah, si seulement
le contenu répondait à l’étiquette collée sur le flacon ! Si
seulement nous étions aussi
républicains que nous ne le prétendons !
L’Europe n'a
aucune considération pour nos exquis parasites : elle peut donc nous aider à nous en
débarrasser. Que se passerait-il si nous la prenions enfin au sérieux ? Si, au lieu de
pester contre les États-unis, nous orientions notre énergie vers sa construction ? Si, au lieu de renâcler devant le texte de
la constitution, nous nous occupions de la façon dont elle
sera appliquée ? |