France Télécom est sauvée ! C'est du moins ce qu'on lit dans
Le Monde de ce jour .
Mais il faut décoder cet article comme s'il venait de la Pravda : sous
les fleurs se cachent les épines, toutes ces phrases complimenteuses se
retournent comme un gant.
Didier Lombard, PDG de France Télécom a donc un successeur
pressenti : Stéphane Richard, énarque, inspecteur des Finances (donc très
intelligent), admirateur de
Jean-Marie Messier, directeur de cabinet de notre remarquable ministre des
Finances, Mme Lagarde. Il est parfait, ce garçon !
Didier Lombard est parfait lui aussi. Il estime qu'il faut
diriger France Télécom "comme une start-up" et son bilan est flatteur :
l'opérateur résiste bien à la concurrence. S'il a essuyé récemment quelques revers
stratégiques, c'est peu en regard de ce bilan. Le côté "entrepreneur" de
Stéphane Richard l'a séduit.
* *
Avez-vous senti les piques habilement cachées sous les éloges
? Non ? Eh bien je décode.
Écrire qu'un inspecteur des Finances admirateur de Jean-Marie
Messier a un "côté entrepreneur", cela fera sourire le plus obtus des initiés
: c'est aussi drôle que de dire que Claude
Allègre est un scientifique.
Dire qu'il faut diriger France Télécom comme une start-up
(piloter un porte-avion comme un pédalo), c'est à mourir de rire. Dire enfin
que le bilan de Didier Lombard est "flatteur", arrêtez, c'est trop, on crève !
* *
Je me remets, reprends mon souffle et me gratte la tête,
cherchant si j'ai tort ou raison de rire. Car enfin Lombard croit peut-être
vraiment que France Télécom est une start-up ! Et les journalistes
croient peut-être vraiment son bilan flatteur.
À moins que Lombard ne pense qu'une start-up, c'est
fait pour grimper vite en Bourse et faire de la plus-value ; qu'une entreprise,
c'est fait pour "créer de la valeur pour l'actionnaire". Mais alors il faut
qu'il apprenne ce que c'est qu'une entreprise...
Quant au bilan - flatteurs de journalistes, va ! - c'est
auprès des clients qu'ils auraient dû l'évaluer, ces clients auxquels France
Télécom tourne le dos (les lettres de réclamation restent sans réponse) et
qu'elle laisse tomber en dépit des obligations du service universel (dans ma
commune des Cévennes le maire est resté deux mois en panne de téléphone et il
n'est pas le seul)
.
C'est aussi aux cadres de France Télécom, à ses ingénieurs, à
ses chercheurs qu'ils auraient dû demander leur avis, à ces gens qu'elle met au
placard le jour de leur 55ème anniversaire quel qu'ait pu être leur apport à
l'entreprise - sur moyen de motiver les troupes !
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Cécile Ducourtieux, Anne Michel et Isabelle Rey-Lefebvre, "Stéphane Richard est
pressenti pour prendre la direction de France Télécom", Le Monde, 8 mai
2009.
Marc Cellier, "Allô, où sommes-nous ?",
Bulletin municipal de Sénéchas,
mai 2009. |