Le partenariat entre France
Telecom et Deutsche Telekom a été une décision politique conjointe de
François Mitterrand et Helmut Kohl : ils voulaient donner un contenu industriel
et technologique à l'Europe.
Mais Jacques Chirac et Gerhard Schröder ont par la suite abandonné cette orientation.
Si la
force d'inertie a maintenu le partenariat, il avait dès lors perdu sa raison d’être.
Cependant la gauche plurielle
évoquait sans jamais la définir, pour justifier l’ouverture du capital de France Telecom, une « stratégie industrielle internationale ».
Michel Bon se savait sûr de garder son poste s’il parvenait à aller vers la
privatisation sans trop de remous sociaux. Alors le partenariat avec Deutsche Telekom,
même privé de substance, restait un élément crucial de sa politique de
communication ; et sa rupture faisait apparaître un vide qu’il fallait combler
au plus vite. D’où l’achat d’Orange, à n’importe quel prix.
Que le changement de statut du
personnel, l’ouverture du capital, aient été les moyens nécessaires d’une
stratégie, cela peut se discuter. Mais loin d’être articulés à une stratégie
qu’ils auraient servie, exprimée comme il se doit en
termes de positionnement, de marketing et de diversification de l’offre, ces
moyens ont usurpé la place de la stratégie elle-même. Personne ne savait où
menaient le changement du statut et l’ouverture du capital, mais tout le monde
estimait nécessaire d’en passer par là.
La vente aux enchères de
l’espace hertzien nécessaire à l'UMTS a été de la part des États une manœuvre
prédatrice. Elle ne s’appuyait sur aucun calcul économique, sur aucun
raisonnement stratégique.
Conformément à des habitudes
trop complaisantes, les représentants de l’État au conseil d’administration
se taisaient le plus souvent (p. 172). Ce conseil
« ressemblait plus à un salon de thé qu’à un organe de
contre-pouvoir » (p.174). « L’investissement initial dans
Mobilcom a échappé à l’approbation du comité exécutif et du conseil
d’administration. Ces deux instances n’ont pas eu non plus à débattre du
montant de la licence UMTS en Allemagne » (p. 198).
Il fallait dans ces réunions
respecter un code de savoir-vivre. Lorsqu’un représentant du Trésor ose
marquer sa réprobation, « les participants paraissent tétanisés »
(p. 29) : cette personne ne sera pas mandatée pour représenter le Trésor
au conseil suivant.
Le ministre des Finances finira
par s’inquiéter, il demandera des rapports et ceux-ci seront très sévères
(p. 163). Finalement il mettra un terme à l’aventure. Mais il aura laissé
creuser le trou, et c’est bien la stratégie de l’État – ou plutôt la
tactique juridique et financière qui tenait lieu de stratégie – que Michel
Bon aura appliquée.
Une sociologie
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