Méthodes concernant un projet
1er janvier 2003
En 1995, une étude
du Standish Group portant sur un échantillon de 365 entreprises et 8 380
projets indiquait que parmi les projets informatiques lancés par les
entreprises, 16 % seulement peuvent être considérés comme des succès
(ils aboutissent dans les délais, et leur coût est celui qui avait été
prévu) ; 31 % sont arrêtés en cours de réalisation et 53 %
aboutissent mais au prix d'un accroissement du délai et du coût tout en
offrant moins de fonctionnalités que prévu, le multiplicateur étant en
moyenne de 2,89 pour le coût et de 3,22 pour le délai. Pour les grandes
entreprises (qui lancent proportionnellement davantage de gros projets), le taux
de succès est de 9 % seulement, 37 % des projets sont arrêtés en cours de
réalisation, 50 % aboutissent hors délai et hors budget.
Parmi les causes de succès, la première est
l'implication des utilisateurs qui expriment clairement leurs objectifs et
formalisent leurs exigences ; la seconde est l'implication des dirigeants dans
le soutien au projet ; parmi les causes d'échec, la première est le manque de
clarté des besoins, la seconde l'évolution des spécifications en cours de
réalisation.
Lorsque les dirigeants lancent un projet, ils
n'ont pas ces proportions en tête ; l'échec les surprend, les étonne
toujours. Lorsqu'un projet est en péril, ils mettent du temps à
"réaliser" le danger et à réagir. Parmi les projets qui ont abouti
hors délai et hors budget, certains auraient été sans doute arrêtés
"si l'on avait su" ce qu'ils allaient coûter. Malgré l'expérience
accumulée, les entreprises sont dans l'ensemble excessivement optimistes en ce
qui concerne les projets informatiques.
L'examen des causes de succès et d'échec est
instructif : la plupart des échecs proviennent non de l'informatique, mais
de la maîtrise d'ouvrage, en comprenant sous ce terme à la fois les dirigeants
et les concepteurs des métiers. La technique informatique est puissante ;
elle permet beaucoup de choses, et ses possibilités sont même plutôt
sous-utilisées. Même si la réalisation d'un projet peut comporter des
errements, le professionnalisme des SSII, des informaticiens de l'entreprise est
généralement suffisant pour arriver au succès - à condition que la maîtrise
d'ouvrage soit, de son côté, de bonne qualité professionnelle.
C'est pourquoi la professionnalisation de la
maîtrise d'ouvrage est une priorité pour les entreprises. Lorsqu'elle a
lieu, elle modifie les rapports avec l'informatique et déplace la frontière
des responsabilités, ce qui contrarie parfois les informaticiens dans un
premier temps ; puis ils en voient bientôt apparaître les bénéfices.
Le professionnalisme de la maîtrise d'ouvrage
lui permet d'éviter des défauts courants, qui se manifestent souvent
simultanément :
- expression de besoin initiale confuse ;
- priorités non définies ;
- caractère inflationniste de la demande ;
- spécifications relevant de la science fiction plus que du réalisme du
métier ou de la technique ;
- intention cachée de régler des problèmes "politiques" de l'entreprise
à travers le système d'information ;
- versatilité, instabilité de la demande ;
- insouciance en ce qui concerne la conduite de projet.
Les entreprises parlent volontiers de leurs
succès, mais elles ne font pas de publicité autour de leurs échecs. Seuls
ceux qui sont assez retentissants pour susciter des commentaires dans la presse
sont connus. Tous s'expliquent par une conjonction des défauts ci-dessus :
- les difficultés rencontrées lors du lancement du produit Socrate par
la SNCF sont dus au volontarisme de la direction qui, pour des raisons
politiques et malgré les avertissements des informaticiens, a voulu mettre le
système en oeuvre alors qu'il n'était pas au point ;
- les difficultés rencontrées par l'informatique de la TGB
(bibliothèque François Mitterrand) ont été provoquées par la volonté
politique de mettre les bibliothécaires au pas, ce qui a poussé à construire
le système sans consulter ses futurs utilisateurs : d'où des impropriétés
manifestes ;
- le Ministère de la Justice a prétendu faire remplir par des
magistrats le rôle de maîtrise d'ouvrage du système d'information des
tribunaux ; leur manque de professionnalisme a provoqué des errements
coûteux.
Il arrive souvent qu'un système d'information
qui fonctionne ne puisse pas rendre les services que l'on pourrait en attendre,
en raison d'une définition malencontreuse résultant d'a prioris
politiques : il en est ainsi de l'utilisation du système de facturation des opérateurs
télécoms à des fins de marketing, lorsque l'objet de la facturation est
non le client mais la ligne.
Le Standish Group décrit deux "failure
stories" et deux "success stories" instructives :
- California DMV ("California
Department of Motor Vehicles") a lancé en 1987 un grand projet pour
introduire les nouvelles technologies dans la gestion des permis de conduire. Le
projet a été arrêté en 1993, après avoir coûté 45 millions de dollars. En
fait, le projet était volontariste ; il n'avait convaincu ni les dirigeants ni
les utilisateurs et ses spécifications étaient confuses.
- American Airlines : un projet de réservation de chambres d'hôtel et
de location de voitures a été abandonné en 1994 après avoir coûté 165
millions de dollars. On explique l'échec par le trop grand nombre de
partenaires impliqués, l'imprécision et l'instabilité des spécifications, le
manque d'implication des utilisateurs.
- Les hôtels Hyatt ont réussi
leur système de réservation en impliquant les utilisateurs, avec le soutien
des dirigeants, des spécifications claires et une définition modulaire du
projet.
- Banco Itamarati : cette banque brésilienne a monté un système
efficace de relation avec ses clients, et une architecture client/serveur,
grâce à une équipe de maîtrise d'ouvrage professionnelle entretenant une
bonne coopération avec les informaticiens.
La professionnalisation d'une maîtrise d'ouvrage
réside essentiellement dans son aptitude à modéliser le SI du métier
; le maître mot est modélisation.
Lorsque le modèle du SI est de bonne qualité, sobre, clair, stable, la
maîtrise d'œuvre peut travailler dans de bonnes conditions. Certes la qualité
du modèle n'est pas une condition suffisante du succès : il faut aussi que la
conduite du projet soit convenable, que la recette et le déploiement soient
réussis ; mais une maîtrise d'ouvrage capable de modéliser sera, a
fortiori, capable de réaliser convenablement le reste des
opérations.
Le langage UML se présente
aujourd'hui comme la lingua franca de la maîtrise d'ouvrage. Il fournit
son vocabulaire à la modélisation ; il facilite la consultation des experts du
métier, la concertation avec la maîtrise d'œuvre, la formalisation du besoin.
Il aide à rendre naturelle, au sein du métier, la démarche d'abstraction sans
laquelle il ne peut pas exister de SI et qui constitue parfois le principale
obstacle, à la fois philosophique et intellectuel. Il permet aussi, à
condition que le modèle soit convenablement résumé, une validation
authentique du formalisme du SI par les dirigeants. Enfin, lorsque le modèle
UML a été entièrement établi, une partie du programme peut être écrite
automatiquement par des générateurs de code, ce qui soulage d'autant le
travail de réalisation.
Cependant le langage UML ne peut être utilisé
que si l'on a au préalable étudié et mis en forme les processus de travail du
métier considéré ; il ne peut être efficace que si l'expression de besoin
est pertinente, sobre, cohérente ; en retour, l'élaboration du modèle permet
de repérer les défauts de cohérence, d'exprimer l'exigence de sobriété, et
elle concourt donc à la qualité de l'expression du besoin.
La technologie objet, qui
comporte les deux phases de modélisation et de programmation, introduit une modification
profonde du rôle de la maîtrise d'ouvrage, responsable de la modélisation. Lorsque
les entreprises auront compris à quel point le succès des projets informatiques
dépend de la professionnalisation de la maîtrise d'ouvrage, et auront mis en
place l'organisation nécessaire, les études du Standish Group feront
apparaître que l'informatique est arrivée à maturité : alors les taux
d'échec des projets informatiques ne seront pas supérieurs à ceux que l'on
rencontre dans d'autres domaines comme le bâtiment ou l'ingénierie
industrielle.
Voici la succession des méthodes à utiliser
pour réussir un projet :
-
Première expression de besoin
-
Étude "opportunité, faisabilité, risque"
Fiche
de synthèse de mission
Modélisation du processus
-
Conduite de projet
-
Recette
-
Déploiement
Évaluation
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