RECHERCHE :
Bienvenue sur le site de Michel VOLLE
Powered by picosearch  


Vous êtes libre de copier, distribuer et/ou modifier les documents de ce site, à la seule condition de citer la source.
 GNU Free Documentation License.

Faire évoluer le système d'information

15 décembre 2002

Comme tous les autres actifs de l'entreprise, le SI doit évoluer : d'abord pour répondre à l'évolution de l'entreprise, notamment pour outiller la production et la commercialisation de ses nouveaux produits ; puis pour se maintenir au niveau de l'état de l'art dans un contexte fortement évolutif (que l'on pense aux nouveautés apportées par le Web, par les plateaux téléphoniques, par l'Intranet etc.) ; enfin, pour remplacer les applications devenues obsolètes en raison de la croissance du coût de leur maintenance

Le SI existant constitue un "stock", le stock des produits en cours d'utilisation ; l'évolution du SI sera le "flux" qui modifiera et renouvellera ce "stock". Pour définir convenablement le flux, il faut donc s'appuyer sur une bonne connaissance du "stock". L'élaboration et l'appropriation d'un plan d'urbanisme, qui permet aux dirigeants et à leurs conseillers (MOAS et MOAD) de partager une même représentation de l'état du SI, est donc un préalable nécessaire à la décision. 

Les décisions relatives à l'investissement en matière de SI, c'est-à-dire aux projets informatiques, peuvent en principe être prises à tout moment en fonction des urgences ; en pratique, elles sont scandées par la préparation du budget annuel lors du dernier trimestre de l'année précédente, puis par la préparation de la révision budgétaire lors du deuxième trimestre de l'année en cours. Elles obéissent donc, sauf exception, à un rythme semestriel. 

La perspective annuelle est trop courte pour se représenter l'évolution d'un SI : un enchaînement complexe d'opérations, reliant divers investissements importants, les études qui les préparent et les déploiements qui les installent, demande quelques années. Il est donc nécessaire de situer le budget annuel dans une perspective de trois à cinq ans, perspective qui sera bien sûr d'autant plus floue que l'on considérera un futur plus lointain, mais qui devra être cohérente avec le choix budgétaire de la première année. On peut, pour désigner cette perspective, utiliser les termes "schéma directeur" ou mieux "schéma d'évolution", moins autoritaire. Le schéma d'évolution s'articule au plan d'urbanisme, dont il constitue la partie "plan d'action".  

Le schéma d'évolution ne doit pas être un plan quinquennal à réaliser tel quel sur la durée de cinq ans. Il fournit une "portée de phares" à réviser et renouveler chaque année, qui donne de la profondeur à la discussion sur le budget de la première année. Il permet aussi d'évaluer approximativement les dépenses à consacrer au SI dans les années qui viennent et les efforts de conception que son évolution va demander aux MOA, ce qui conduira souvent à réviser les ambitions en faisant apparaître l'écart qui sépare la velléité, le rêve, d'une volonté effective et réaliste. 

*
*  *
Le cadre logique et chronologique ainsi préparé accueille les projets formulés par les diverses directions. Leur première formulation est inévitablement désordonnée, même si l'on a pris le soin d'exprimer les besoins de façon méthodique. Les besoins, à l'état brut, sont en effet un "tas" sans ordre où se mélangent l'essentiel et l'accessoire, le réalisme et le fantasme. Certains services dynamiques, actifs, proposent des évolutions utiles ; d'autres veulent faire reconnaître leur importance et vont pratiquer l'activisme. Certains chefs de service, certains MOAO, attachent leur amour-propre à des demandes qu'ils défendront bec et ongles ; d'autres, plus timides ou plus insouciants, seront plus détachés : mais l'utilité réelle d'une demande n'est pas exactement proportionnelle à l'éloquence de ses avocats.

Il faut d'ailleurs distinguer la "demande", explicite, du "besoin" implicite qu'il faut dégager. Il faut, pour passer de la demande à l'évaluation du besoin, une méthode rigoureuse. Les "clubs d'utilisateurs", par exemple, expriment toujours une demande inflationniste (le simple fait de se trouver rassemblé "donne des idées") qui peut être manipulée par des services désireux de prendre de l'importance. S'il est donc indispensable d'écouter la demande, il faut savoir ensuite trier et élaguer (voir "La maîtrise d'ouvrage du système d'information et ses utilisateurs").

Le "tas" des projets se présente d'abord sous la forme d'une longue liste. Il faut la classer pour réduire l'éparpillement des projets : 
- si le projet A conditionne l'exécution du projet B, il serait absurde de lancer B alors que l'on a refusé A : il faut donc regrouper ces deux projets, ou tout au moins présenter B comme une option au sein de A. 
- si deux projets sont fortement corrélés (conditions de succès ou d'échec analogues, utilisation d'outils identiques), il convient de les regrouper ;
- si plusieurs projets sont en fait les déclinaisons d'un même projet dans des domaines divers, il faut faire apparaître leur unité en les regroupant, etc. 

Puis il faut évaluer les priorités, selon une classification qui peut être du type suivant :
- priorité 0 : projet indispensable pour que l'entreprise puisse continuer à fonctionner (par exemple : application d'une nouvelle réglementation)
- priorité 1 : projet nécessaire (si on ne le réalise pas, l'entreprise va rencontrer de grandes difficultés)
- priorité 2 : projet utile (il serait dommage, voire stupide, de ne pas le réaliser)
- priorité 3 : projet raisonnable (il serait logique, efficace de réaliser le projet)
- priorité 4 : projet de confort (ce serait bien, ce serait mieux si l'on réalisait ce projet).

L'évaluation des priorités n'est jamais facile : un chef de service impérieux prétendra que tous ses projets sont indispensables ou nécessaires ; un autre, plus timide, les qualifiera d'utiles ou de raisonnables. Le MOAD doit user de son bon sens, de sa connaissance des perspectives du SI pour préparer le classement qui sera présenté au MOAS. 

Ce classement s'appuie sur les études OFR : pour chaque projet non seulement on connaît le besoin auquel il s'agit de répondre, mais on dispose aussi d'une évaluation approximative du coût et du délai de réalisation, sachant que l'effort consacré à l'étude OFR (et donc la précision de celle-ci) est fonction de l'importance que l'on accorde au projet. 

On peut donc présenter au MOAS les projets classés selon l'ordre de leur priorité, puis de leur coût (ou de leur rentabilité, si on l'a estimée). Idéalement, on devrait pouvoir classer les projets de même priorité selon leur rentabilité sur un diagramme à deux axes : en abscisse, le coût du projet ; en ordonnée, le résultat annuel attendu. Si les projets sont rangés selon l'ordre des rentabilités, il en résulte une courbe concave (puisque la rentabilité est le quotient du résultat annuel par le coût de l'investissement) :

Si le MOAS décide de consacrer au SI le budget C, il devra en principe retenir les quatre projets représentés à gauche de la droite bleue (NB : il est rare en fait que l'on puisse présenter les choix sous une forme aussi simple, mais en fait le classement des projets équivaut bien à une telle présentation). 

Le travail du MOAD s'achève avec la présentation du classement des projets au MOAS. Il se peut que celui-ci révise les évaluations de priorité, qu'il décide de "repêcher" un projet ou d'en "tuer" un autre : c'est son droit et c'est sa fonction, son arbitrage résultant d'une réflexion stratégique où réside la valeur ajoutée propre du dirigeant. Il faut que le MOAD sache s'en tenir à son rôle d'expert, et accepte de n'être parfois pas écouté. 

Enfin, le MOAS présente au CSSI les projets de sa direction, et les soumet à l'arbitrage du directeur général, qui lui-même peut réviser les classements proposés par les directions. 

*
*  *
On peut estimer que la méthode que nous venons de décrire est un peu lourde. Elle est préférable toutefois à une autre méthode que l'on voit parfois pratiquer :
- une liste de projets qui ne sont ni triés, ni classés par ordre de priorités ; 
- un manque de mise en perspective par rapport à l'état actuel du SI et aux évolutions prévisibles ; 
- un arbitrage en fonction des rapports de force entre dirigeants, etc.