Méthodes de la maîtrise d'ouvrage, vue
d'ensemble
12 décembre 2002
Les méthodes que doit utiliser une maîtrise
d'ouvrage se classent en trois catégories : animation du SI existant,
préparation de la sélection des projets, définition et réalisation des
projets.
Animer le SI existant
Le premier souci d'une maîtrise d'ouvrage est la
bonne utilisation du SI existant : les ressources mises à la disposition des utilisateurs
sont stériles si ceux-ci ne les utilisent pas ou les utilisent mal. Il faut
donc savoir observer et connaître les utilisateurs,
pratiquer le "marketing interne" afin de segmenter leur population,
connaître leurs pratiques afin de redresser courtoisement celles qui sont
inefficaces et d'encourager la diffusion des "bonnes pratiques".
L'animation du SI suppose donc de collecter l'information par voie d'enquête
(par exemple en réalisant une enquête de satisfaction auprès des utilisateurs)
et de diffuser l'information en se servant de l'Intranet, de la messagerie et
des réunions.
Il faut aussi que le SI soit bien connu des
concepteurs qui préparent son évolution, et des décideurs qui doivent
arbitrer entre les priorités ; c'est l'un des buts de l'urbanisation
du SI.
Il faut enfin que les enjeux
économiques du SI soient convenablement évalués : comme tout actif, il
doit être judicieusement défini et correctement dimensionné ; il constitue un
patrimoine qui doit être géré en tant que tel. Il faut éviter que
l'entreprise soit sous-informatisée (ou sur-informatisée), il faut qu'elle
définisse la priorité relative de ses divers investissements : ici nous
entrons dans la préparation des projets.
Faire évoluer le SI
Chaque année, les diverses directions de
l'entreprise proposent à la direction générale d'investir pour faire évoluer
le SI. Chaque direction estimera naturellement que ses projets sont plus
importants que ceux des autres : il revient à la direction générale
d'arbitrer.
Les maîtrises d'ouvrage contribuent à la
préparation des projets présentés par les directions, à l'instruction des
dossiers, à la définition des priorités. Idéalement, le choix présenté à
l'arbitrage du directeur général doit tirer parti des études qui permettent
d'évaluer l'opportunité de chaque projet en la comparant à celle des autres
projets.
Les projets, épisodes très visibles dans la vie
de l'entreprise, monopolisent l'attention au détriment de l'animation du SI
existant ; c'est un peu comme si, dans une ville, la priorité de la mairie
résidait dans des chantiers de construction, et non dans la vie quotidienne des
habitants. Il y a là un facteur d'inflation dans la définition du SI, auquel
s'ajoutent d'autres facteurs d'inflation, car le prestige d'une direction
s'évalue parfois selon l'ampleur du budget qu'elle est capable d'obtenir. La
sobriété, quoi que l'on dise, n'est pas toujours à l'ordre du jour.
On utilise parfois l'expression
"portefeuille de projets" pour désigner l'ensemble des projets
finalement sélectionnés. Cette expression est malheureuse, car le mot
"portefeuille" s'applique à un stock, donc au patrimoine du SI
existant, et non à un flux, à l'investissement dans les nouveaux projets. Elle
trahit l'importance excessive accordée aux projets, au flux des transformations
du SI, par rapport à sa bonne utilisation.
Définition et réalisation des projets
C'est ici que le corps des méthodes est le plus
développé. Les diverses étapes par lesquelles passe la définition du projet
sont séparées des décisions du type "go - no go" :
Expression de besoin
: le tout
premier document, se trouve à la naissance du projet.
Étude OFR ("Opportunité,
Faisabilité, Risques") : l'étude présentée à la DG pour lui
soumettre la décision de lancement du projet. On l'appelle aussi "Étude
préalable".
Si la DG décide de lancer le projet au vu de
l'étude OFR, on passe aux étapes de la réalisation :
Fiche de synthèse de mission : le
contrat entre la maîtrise d'ouvrage et la maîtrise d'œuvre ; il précise
leurs obligations réciproques, délimite le partage des responsabilités, met
en place l'organisation du suivi de projet.
Cahier des charges : la description
du projet telle qu'elle est communiquée au fournisseur chargé de la
réalisation du produit. Elle comporte les spécifications fonctionnelles (ou
"spécifications générales", ou "modèle métier"),
parfois les spécifications détaillées (ou "modèle d'analyse"),
ainsi que l'indication des contraintes techniques que le produit doit respecter
pour pouvoir fonctionner sur la plate-forme technique de l'entreprise.
Conduite de projet : la description
des méthodes qui visent à assurer le succès de la réalisation, c'est-à-dire
maîtriser les délais, le coût et la qualité du produit.
Recette : le produit, une fois
réalisé, doit être "recetté" par le client tant en ce qui concerne
son aspect technique (intégration sur la plate-forme technique de l'entreprise,
exploitabilité) que ses aspects fonctionnels (qualité des interfaces,
performances ressenties par l'utilisateur).
Déploiement : le produit doit
être installé sur les postes de travail, les utilisateurs doivent être
formés à son utilisation.
Risques
1) Le désir de bien faire, le souci de faire
preuve de compétence, poussent parfois à réaliser des travaux trop lourds, ou
à anticiper indûment sur les étapes suivantes du déroulement d'un projet ;
par exemple :
- l'expression de besoin, établie par la maîtrise d'ouvrage, décrit le
produit nécessaire et indique pourquoi il est nécessaire, à quoi il doit
servir. Elle répond aux questions "quoi, pourquoi". La réponse à la
question "comment fournira-t-on ce produit" relève non de
l'expression de besoin, mais de l'étude OFR qui vient après. Or il arrive
souvent que le rédacteur d'une expression de besoin se sente obligé non
seulement de décrire le besoin, mais aussi de dire comment il pense que le
besoin sera satisfait - alors qu'il n'a pas la compétence technique
nécessaire, et que son analyse sera le plus souvent contredite lors de l'étude
OFR.
- les "spécifications générales" que comporte le cahier des charges
n'ont pas pour vocation à régler des questions précises qui doivent être
traitées lors de la rédaction des "spécifications détaillées". Il
arrive parfois que, par souci de "sérieux", le rédacteur des
spécifications générales aille trop loin dans le détail, ce qui lui fait
perdre du temps - et bien souvent l'échafaudage technique ainsi construit sera
démoli par celui qui vient après et qui doit, lui, établir les
spécifications détaillées.
Il faut donc avoir pour principe : faire à
chaque étape ce qu'il est prévu de faire dans l'étape considérée, rien de
moins bien sûr, et surtout rien de plus.
2) L'enchaînement des méthodes doit être
organisé de telle sorte que les documents produits jusqu'à une étape donnée
puissent être réutilisés tels quels, et enrichis, lors des étapes suivantes.
La rédaction des documents doit être cumulative, de telle sorte que
l'on n'ait pas à réécrire l'expression de besoins lors de l'étude OFR,
l'étude OFR lors du cahier des charges, les spécifications générales lors
des spécifications détaillées etc.
L'ensemble du projet doit donc reposer sur un corpus
documentaire cohérent. Les corrections éventuellement nécessaires doivent
être apportées aux documents amont pour tenir compte des éléments nouveaux
survenus lors de la réalisation du projet.
La cohérence documentaire est un puissant
facteur d'efficacité : si le projet est bien conduit, un même outil pourra
être utilisé pour mettre en forme les spécifications générale, puis
détaillée, puis technique, et alimenter un générateur de code (par exemple
Rose, de Rational) qui réalisera automatiquement une partie relativement
importante du logiciel.
Qualité du SI
Au total, et si on le considère dans son
ensemble, le SI de l'entreprise est-il de bonne qualité ? Comme il a été
construit par tranches annuelles, la vue d'ensemble risque d'être difficile à
obtenir et il convient de prendre du recul pour l'évaluer : c'est ce que
propose la check-list du SI.
|